Les Six Voyages d’Ondée

Un conte des Landes

Pour celui qui veut savoir rire et espérer même quand la vie est compliquée

 

100 questionsPremier Voyage : Le jour où Ondée a trouvé sa question

Dans les Landes, là où les pins sentent la résine chaude et où les ruisseaux courent vers l’océan, vivait une jeune loutre nommée Ondée.

Ondée avait un problème : elle posait trop de questions.

« Pourquoi l’eau est mouillée ? »
« Pourquoi les pins ont des aiguilles et pas des feuilles ? »
« Pourquoi le ciel est bleu le jour et noir la nuit ? »
« Pourquoi les poissons ne peuvent pas respirer l’air ? »
« Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? »

Sa mère soupirait. Son père soupirait. Son grand frère Courant disait : « Ondée, arrête, tu me fatigues le cerveau. »

Mais Ondée ne pouvait pas s’arrêter. Les questions sortaient de sa bouche comme les bulles sortent de l’eau.

Un matin de septembre, alors que la brume montait des étangs et que les libellules dansaient sur les roseaux, Ondée nageait dans le ruisseau. Elle nageait sur le dos, sur le ventre, en tournant, en plongeant, en remontant. L’eau était fraîche et bonne.

Soudain, elle vit quelque chose d’étrange.

Sur la rive, un énorme sanglier était assis. Pas debout. Pas en train de fouiller la terre avec ses défenses. Non. Assis. Comme s’il réfléchissait.

Ondée s’approcha.

« Bonjour Sanglier. Pourquoi tu es assis comme ça ? »

Le sanglier ouvrit un œil. Puis l’autre. Il avait des yeux petits et noirs comme des baies de sureau.

« Je cherche une réponse. »

« Oh ! Moi je cherche des questions ! On peut chercher ensemble ? »

Le sanglier grogna. Mais ce n’était pas un grognement méchant. C’était un grognement qui voulait dire : « Toi au moins, tu es différente. »

« D’accord, petite loutre aux trop nombreuses questions. Cherchons ensemble. »

« Cherchons quoi ? »

« Pourquoi certains font du mal même quand on est gentil avec eux. »

Ondée sortit de l’eau et s’assit à côté du sanglier. Ses poils mouillés brillaient au soleil.

« C’est une grande question, » dit-elle gravement. « Plus grande que ‘pourquoi le ciel est bleu’. »

« Oui. »

« Tu as quelqu’un qui t’a fait du mal ? »

Le sanglier hocha sa grosse tête.

« Mon père. Quand j’étais petit, il me chargeait avec ses défenses. Sans raison. Juste parce que j’étais là. »

Ondée réfléchit très fort. Si fort que sa queue frétillait dans l’herbe.

« Peut-être… peut-être qu’il avait une raison, mais que toi tu ne la voyais pas ? »

« Peut-être. »

« Ou peut-être qu’il ne savait pas que ça te faisait mal ? »

« Non. Il le savait. Je criais. »

« Alors peut-être qu’il était très triste lui-même et qu’il ne savait pas comment faire autrement ? »

Le sanglier tourna sa tête vers Ondée.

« Tu es petite mais tu penses grand. »

« C’est parce que je pose trop de questions. Ça muscle le cerveau. »

Ils restèrent silencieux un moment. Une aigrette passa au-dessus d’eux. Le vent faisait chanter les pins : shhhhhhhhh.

« Sanglier, » dit soudain Ondée, « est-ce que tu fais du mal aux autres maintenant ? »

« Non. »

« Pourquoi ? »

« Parce que je ne veux pas être comme lui. »

« Alors tu as choisi. »

« Choisi quoi ? »

« Tu as choisi de ne pas faire la même chose. Même si on t’a fait du mal, tu as choisi de ne pas faire du mal. C’est ça la liberté, je crois. »

Le sanglier se leva. Il était immense à côté d’Ondée. Mais il la regardait avec douceur.

« Petite loutre, tu m’as aidé aujourd’hui. Comment je peux te remercier ? »

« En venant chercher des questions avec moi ! Parce que seul, c’est moins drôle. »

« D’accord. Je m’appelle Ronce. »

« Moi c’est Ondée. Parce que je suis tombée dans l’eau le jour où il pleuvait. »

« Et moi Ronce parce que je suis hérissé comme un buisson. »

Ils éclatèrent de rire. Un rire de sanglier qui grogne-rigole et un rire de loutre qui couine-glousse.

Depuis ce jour, Ondée et Ronce cherchent des questions ensemble. Et parfois, en cherchant bien, ils trouvent des réponses.

Dans les Landes, il y a maintenant une loutre qui sait que poser des questions, c’est un don. Et un sanglier qui a compris qu’on peut choisir de ne pas faire comme ceux qui nous ont fait du mal.

Deuxième Voyage : Quand tout le monde cherchait la même chose sans le savoir

L’hiver approchait. Les jours devenaient courts courts courts. Le soleil se couchait avant même qu’Ondée ait fini de jouer.

« Je n’aime pas ça, » dit-elle à Ronce. « Tout devient noir trop vite. »

« Moi non plus. »

Ils étaient au bord de l’étang, regardant le ciel qui passait du bleu au violet au noir.

« Tu sais ce qui est bizarre ? » demanda Ondée.

« Quoi ? »

« Chaque année à cette période, les humains allument des lumières partout. Des guirlandes, des bougies, des étoiles. Pourquoi ils font ça ? »

« Aucune idée. »

« Allons leur demander ! »

« Ondée, on ne peut pas aller demander aux humains. Ils ont peur de nous. »

« Alors demandons aux oiseaux ! Eux, ils voient tout de haut ! »

Ondée plongea dans l’étang et remonta à toute vitesse. Ronce la suivait en trottinant sur la rive, soufflant et grognant.

Sur la dune, là où commence l’océan, vivait une famille de goélands. Le chef s’appelait Sel. Il avait des plumes blanches comme l’écume et des yeux jaunes comme le soleil.

« Goéland Sel ! » cria Ondée depuis les vagues. « J’ai une question ! »

Le goéland descendit en planant.

« Encore toi, Ondée-aux-questions ? Qu’est-ce que tu veux savoir ? »

« Pourquoi les humains allument des lumières en hiver ? »

Sel se posa sur un rocher.

« Parce qu’ils ont peur du noir. »

« Mais pourquoi justement en hiver ? »

« Parce que c’est là que les nuits sont les plus longues. Ils ont peur que le soleil ne revienne pas. »

Ondée fronça son petit museau.

« Mais le soleil revient toujours ! »

« Oui. Mais eux, ils ne le savent pas vraiment dans leur cœur. Alors ils allument des lumières pour l’encourager à revenir. »

Ronce, qui était arrivé en soufflant, demanda :

« Et ça marche ? »

« Eh bien, le soleil revient toujours, non ? »

« Alors ça marche ! » cria Ondée en sautant dans l’eau.

PLOUF !

Quand elle remonta, ses yeux brillaient.

« Sel, est-ce que c’est juste les humains qui font ça ? »

« Non. Les humains de tous les pays font ça. Ceux qui croient en un dieu, ceux qui croient en plusieurs dieux, ceux qui ne croient en aucun dieu. Tous. »

« Pourquoi ? »

« Parce que tout le monde aime la lumière. C’est pas compliqué. »

Ondée réfléchit très fort. Sa queue frétillait sous l’eau.

« Alors… même si on est différent, on peut chercher la même chose ? »

« Exactement. »

« Même si on habite pas au même endroit ? »

« Oui. »

« Même si on parle pas la même langue ? »

« Oui, oui, oui ! » Le goéland commençait à s’impatienter.

« ALORS ! » Ondée jaillit hors de l’eau comme une fusée. « Alors on devrait faire notre fête à nous aussi ! Pour dire au soleil qu’on l’aime et qu’on veut qu’il revienne ! »

Ronce grogna :

« Mais on est des animaux. On ne sait pas faire des guirlandes. »

« On n’a pas besoin de guirlandes ! On a nous ! »

Et Ondée se mit à tourner tourner tourner dans l’eau en faisant des cercles lumineux avec les reflets du soleil couchant.

Sel le goéland se mit à voler en spirale au-dessus d’elle, ses ailes blanches captant les derniers rayons.

Ronce, un peu gêné d’abord, se mit à courir en rond sur la plage, ses sabots faisant des étincelles sur les cailloux mouillés.

D’autres animaux les virent. Un héron vint danser sur ses longues pattes. Une famille de loutres rejoignit Ondée dans l’eau. Un renard roux sauta de dune en dune.

Ils dansaient. Ils couraient. Ils nageaient. Ils volaient.

Et quand la nuit fut complètement tombée, ils s’assirent tous ensemble sur la plage.

« On a fait quoi, là ? » demanda le renard.

« On a dit au soleil qu’on l’aime, » répondit Ondée.

« Et qu’on veut qu’il revienne, » ajouta Ronce.

« Et qu’on n’a pas peur du noir si on est ensemble, » dit le héron.

Sel le goéland ouvrit ses ailes.

« Vous venez de découvrir quelque chose d’important : peu importe qui on est, peu importe d’où on vient, on a tous besoin de lumière. Et on peut la célébrer ensemble. »

Cette nuit-là, même si c’était la nuit la plus longue de l’année, personne n’avait vraiment peur. Parce qu’ils étaient ensemble. Et parce qu’ils savaient que le soleil allait revenir.

Dans les Landes, il y a maintenant une loutre qui sait que la lumière est pour tout le monde. Et des animaux qui font leur propre fête quand les nuits sont longues.

 

Troisième Voyage : L’histoire du blaireau qui voyait des monstres partout

Le printemps arriva. Les jours rallongeaient. Tout allait bien.

Sauf pour un blaireau nommé Panique.

Panique vivait au milieu de la forêt de pins, dans un terrier très très profond. Et Panique avait un problème : il voyait des monstres partout.

« ATTENTION ! » criait-il dix fois par jour. « Il y a un monstre dans cet arbre ! »
« DANGER ! » hurlait-il vingt fois par jour. « Cette ombre est suspecte ! »
« FUYEZ ! » braillait-il trente fois par jour. « Ce bruit va nous tuer ! »

Au début, les autres animaux avaient peur. Ils couraient, ils se cachaient, ils tremblaient.

Mais ensuite, ils se rendaient compte qu’il n’y avait rien. Rien du tout. Juste un arbre, une ombre, un bruit normal.

Un jour, Ondée et Ronce allèrent voir Panique.

« Blaireau Panique, pourquoi tu cries tout le temps ? »

Panique les regarda avec ses petits yeux terrifiés.

« Parce que… parce qu’il y a des dangers partout ! »

« Où ça ? » demanda Ondée en regardant autour d’elle.

« LÀ ! » Panique pointa une branche qui bougeait dans le vent. « C’est un monstre qui fait des signes ! »

Ronce s’approcha de la branche.

« C’est juste le vent. »

« Le vent est un monstre ! »

Ondée grimpa sur le dos de Ronce pour mieux voir.

« Panique, est-ce que tu as déjà VU un vrai monstre ? »

« Non ! Parce que je cours toujours avant ! Je suis intelligent ! »

« Ou… » Ondée pencha sa petite tête, « ou peut-être qu’il n’y a pas de monstres ? »

« IMPOSSIBLE ! »

Ronce s’assit.

« Panique, je vais te raconter quelque chose. Quand j’étais petit, mon père me faisait peur. Vraiment peur. Alors maintenant, j’ai peur de tout ce qui est gros et qui a des défenses. »

« Tu vois ! Il FAUT avoir peur ! »

« Mais écoute la suite. Un jour, j’ai rencontré un vieux sanglier. Il était encore plus gros que mon père. J’allais m’enfuir. Mais Ondée m’a dit : ‘Attends. Regarde bien. Est-ce qu’il fait des choses qui font peur ?’ Et j’ai regardé. Et non. Il mangeait juste des glands tranquillement. »

« Et alors ? »

« Alors j’ai compris quelque chose : ce n’est pas parce qu’on a eu peur une fois qu’il faut avoir peur toujours. Sinon, on passe sa vie à courir. »

Ondée sauta du dos de Ronce.

« Panique, je vais te poser une question : depuis que tu cries et que tu as peur, est-ce que tu te sens mieux ? »

« Non. »

« Est-ce que les autres t’aiment ? »

Panique baissa la tête.

« Non. Ils disent que je les fatigue. »

« Et toi, est-ce que tu t’aimes quand tu cries comme ça ? »

Long silence.

« Non. J’ai honte. »

Ondée s’approcha de Panique et lui toucha la patte avec la sienne.

« Tu sais ce qui se passe ? Toi, tu as tellement peur des monstres que tu es devenu un monstre toi-même. »

Panique recula.

« JE NE SUIS PAS UN MONSTRE ! »

« Mais si. Quand tu cries, tout le monde a peur. De toi. Pas des monstres imaginaires. De toi. »

C’était dur à entendre. Panique se recroquevilla sur lui-même.

Ronce vint s’asseoir près de lui.

« Écoute, Panique. On comprend. Avoir peur, c’est normal. Mais si tu vois des monstres partout, tu deviens… »

« Parano, » termina Ondée. « Ça veut dire quelqu’un qui voit des dangers qui n’existent pas. »

« Mais comment je sais si le danger existe ou pas ? »

« En regardant vraiment. Pas en courant tout de suite. »

Un écureuil passa au-dessus d’eux dans les branches. Panique sursauta.

« MONSTRE ! »

« STOP ! » dit Ondée. « Arrête-toi. Respire. Regarde. C’est quoi vraiment ? »

Panique respira. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il regarda l’écureuil.

« C’est… c’est un écureuil. »

« Voilà. Est-ce qu’il a fait quelque chose de dangereux ? »

« Non. Il a juste sauté de branche en branche. »

« Exactement. »

Pendant une semaine, Ondée et Ronce restèrent avec Panique. Chaque fois qu’il criait « MONSTRE ! », ils lui disaient : « Arrête-toi. Respire. Regarde vraiment. »

Et petit à petit, Panique commença à voir la différence entre un vrai danger et un faux danger.

Un jour, un vrai danger arriva : un feu de forêt au loin. Panique le vit.

« FEU ! » cria-t-il. « Là-bas ! Il faut partir vers le ruisseau ! »

Cette fois, c’était vrai. Et les animaux le suivirent. Et tous furent sauvés.

« Tu vois, » dit Ondée ce soir-là, alors qu’ils regardaient les pompiers éteindre le feu au loin. « Quand tu ne cries plus tout le temps pour rien, on peut t’écouter quand c’est vraiment important. »

Panique hocha la tête.

« J’ai compris. Si on a peur de tout, on devient celui qui fait peur. Et après, personne n’écoute. »

« Et on rate le beau, » ajouta Ronce. « Regarde. »

Il montrait le ciel. Le feu était éteint, et maintenant, les étoiles apparaissaient une par une.

« C’est magnifique, » murmura Panique.

« Oui. Et tu l’aurais raté si tu étais resté dans ton terrier à avoir peur. »

Depuis ce jour, Panique crie beaucoup moins. Parfois il a encore peur, c’est normal. Mais il s’arrête. Il respire. Il regarde vraiment. Et il découvre que le monde est plein de beau, pas juste de monstres.

Dans les Landes, il y a maintenant un blaireau qui sait que celui qui a peur de tout finit par faire peur à tous. Et des amis qui lui ont appris à regarder avant de crier.

Quatrième Voyage : Le grand mystère du marais

L’été arrivait. Il faisait chaud chaud chaud. Les pins sentaient fort la résine. Les cigales chantaient depuis les branches : criii-criii-criii.

Ondée et Ronce se promenaient près du grand marais. C’était un endroit étrange, plein de roseaux qui bruissaient, d’eau noire qui glougloutait, de grenouilles qui coassaient.

Soudain, un héron apparut. Pas n’importe quel héron. Le plus grand héron que Ronce et Ondée avaient jamais vu. Il avait des plumes grises comme l’orage et un bec long comme trois queues de loutre.

« Bonjour, jeunes voyageurs, » dit le héron d’une voix grave.

« Bonjour Héron, » répondit Ondée poliment. « Vous habitez ici ? »

« Oui. Et j’ai un problème. »

« Oh ! Nous aussi on adore les problèmes ! On peut aider ? »

Le héron les regarda de ses yeux jaunes.

« Quelqu’un vole les poissons du marais. Chaque nuit. Tous mes poissons. Et je ne sais pas qui c’est. »

« C’est grave ! » dit Ronce. « Tu vas mourir de faim ! »

« Exactement. Voulez-vous m’aider à découvrir le voleur ? »

Ondée et Ronce se regardèrent. Une enquête ! C’était excitant !

« Oui ! »

Cette nuit-là, ils se cachèrent dans les roseaux. La lune était ronde comme un œil dans le ciel. L’eau brillait.

Ils attendirent.

Et attendirent.

Et attendirent.

« J’ai sommeil, » chuchota Ronce.

« Chut ! »

Soudain, un bruit. SPLASH. Quelqu’un nageait dans le marais. Quelqu’un qui attrapait les poissons. SPLASH SPLASH SPLASH.

« Le voilà ! » souffla le héron.

Ondée plissa les yeux. Elle voyait une forme dans l’eau. Une forme qui… qui lui ressemblait.

« C’est… c’est une loutre, » murmura-t-elle.

La loutre sortit de l’eau avec trois poissons dans la gueule. Elle était maigre. Très maigre. Ses côtes se voyaient sous sa fourrure mouillée.

Le héron bondit hors des roseaux.

« VOLEUR ! »

La loutre sursauta et laissa tomber les poissons.

« Je… je suis désolée… »

« DÉSOLÉE ? Tu voles MES poissons depuis une semaine ! »

« Je sais… je sais… mais j’ai tellement faim… »

Ondée sortit des roseaux.

« Attends, Héron. Pourquoi tu n’as pas de poissons à toi ? » demanda-t-elle à la loutre voleuse.

La loutre baissa la tête.

« Parce que… parce que la rivière où j’habitais a été polluée. Plus de poissons. Ma famille est partie vers le nord. Moi je me suis perdue. Je suis arrivée ici. Et j’avais si faim… »

Le héron grogna :

« Ce n’est pas une excuse pour voler ! »

Ondée leva sa petite patte.

« Héron, j’ai une question. Est-ce que cette loutre t’a volé parce qu’elle est méchante ou parce qu’elle avait faim ? »

« Quelle différence ? »

« Une grande différence ! »

Ronce s’approcha.

« Je vais t’expliquer. Méchant, c’est quand on fait du mal parce qu’on aime faire du mal. Ou qu’on ne comprend pas qu’on fait du mal. Maléfique, c’est quand on sait qu’on fait du mal mais qu’on le fait quand même sans raison. »

« Et alors ? Elle a quand même volé ! »

« Oui, » dit Ondée. « Mais elle n’a pas volé pour te faire du mal à toi. Elle a volé parce qu’elle avait besoin de manger. C’est… c’est compliqué. »

La loutre voleuse pleurait maintenant.

« Je suis désolée… je ne savais pas quoi faire d’autre… »

Ondée se tourna vers le héron.

« Héron, tu as beaucoup de poissons. Est-ce que tu peux en partager ? »

« PARTAGER ? Avec une voleuse ? »

« Oui. Parce que si elle ne vole plus, elle va mourir. Et toi, tu as assez pour deux. »

Le héron se tut. Il réfléchissait. Ses grandes plumes tremblaient dans le vent.

« Et si je partage, est-ce que ça veut dire que ce qu’elle a fait, c’est pas grave ? »

« Non, » dit Ronce. « Ça veut dire que tu comprends pourquoi elle l’a fait. Mais elle doit quand même s’excuser. Et promettre de ne plus voler. »

La loutre voleuse se redressa.

« Je promets. Je promets sur l’eau et sur le ciel. Si tu partages avec moi, je ne volerai plus jamais. Et je t’aiderai à pêcher. »

Le héron la regarda longuement.

« D’accord. Mais à une condition : tu m’expliques comment pêcher là où tu vivais avant. Peut-être que je peux apprendre de toi. »

« Oui ! Je vais t’apprendre ! »

Ils scellèrent leur accord en se touchant le bec et le museau.

Ondée et Ronce repartirent vers leur ruisseau. Le soleil se levait. Le ciel devenait rose.

« On a résolu un mystère, » dit Ondée.

« Oui. Et on a appris quelque chose, » ajouta Ronce.

« Quoi ? »

« Qu’il faut toujours se demander POURQUOI quelqu’un fait quelque chose de mal. Parce que des fois, c’est parce qu’il n’a pas le choix. Et des fois, on peut aider au lieu de juste punir. »

« Mais, » ajouta Ondée très sérieusement, « ça ne veut pas dire que c’est pas grave de voler. Ça veut juste dire qu’on peut comprendre ET dire que c’est mal. Les deux en même temps. »

« Exactement. »

Dans les Landes, il y a maintenant une loutre et un sanglier qui savent faire la différence entre méchant et maléfique. Et qui savent qu’on peut comprendre quelqu’un sans accepter ce qu’il fait.

Cinquième Voyage : Le poison vert

L’automne revenait. Les feuilles des arbres (pas des pins, eux gardent leurs aiguilles) devenaient rouges et dorées.

Ondée et Ronce se promenaient au bord de l’océan quand ils virent quelque chose d’étrange.

Une genette était assise sur un rocher. Elle ne bougeait pas. Elle regardait les vagues avec des yeux très tristes.

Les genettes, normalement, sont des animaux joyeux. Elles sautent, elles grimpent, elles jouent. Mais celle-ci…

« Bonjour Genette, » dit Ondée doucement.

La genette tourna la tête. Elle avait une belle fourrure tachetée, mais son visage était fermé.

« Bonjour. »

« Tu vas bien ? »

« Non. »

Ronce s’assit.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

La genette soupira. Un long long long soupir.

« Il y a longtemps, un lynx m’a volé ma nourriture. Il m’a chassée de mon arbre. Il m’a dit des mots qui piquent encore. »

« Oh. C’est terrible, » dit Ondée.

« Oui. Et depuis, je pense à lui tous les jours. Je pense à ce qu’il m’a fait. Je pense à ce que je voudrais lui faire. »

« Et ça te fait quoi ? » demanda Ronce.

« Ça me rend malade. J’ai mal au ventre. Je ne dors pas bien. Je ne mange presque plus. »

Ondée grimpa sur le rocher et s’assit à côté de la genette.

« Tu sais ce que je crois ? Je crois que tu as du poison dans le ventre. »

« Du poison ? »

« Oui. Un poison vert qui fait des bulles. Un poison qui s’appelle la Colère. »

La genette la regarda.

« C’est exactement ça. J’ai de la colère partout dans moi. »

« Et tu sais ce qui est bizarre ? » continua Ondée. « Le lynx, lui, il va bien. Il vit sa vie. Il mange, il dort, il joue. C’est toi qui bois le poison. Pas lui. »

« Mais… mais c’est pas juste ! C’est lui qui m’a fait du mal ! »

« Oui, » dit Ronce. « C’est lui qui t’a fait du mal. Mais maintenant, c’est toi qui continues à te faire du mal toute seule. En buvant le poison tous les jours. »

La genette ne dit rien. Les vagues faisaient : SHHHHHH. SHHHHHH.

« Je ne sais pas comment arrêter, » murmura-t-elle enfin.

Ondée prit une grande inspiration.

« Il faut cracher le poison. »

« Comment ? »

« En décidant de ne plus le boire. En décidant que ce qu’il t’a fait, c’est son problème à lui. Pas ton problème à toi. »

« Mais si je crache le poison… ça veut dire que je lui pardonne ? »

« Non, » dit Ronce fermement. « Ça veut dire que tu te libères. Tu peux dire : ‘Ce qu’il m’a fait, c’était mal. Je n’oublie pas. Mais je refuse de rester prisonnière de ça.’ »

La genette se leva.

« Je ne sais pas si j’y arrive. »

« On va t’aider, » dit Ondée. « Regarde. »

Elle alla chercher une algue verte sur la plage. Une algue toute gluante et puante.

« Cette algue, c’est ton poison. Tu la tiens dans ta patte ? »

La genette prit l’algue, dégoûtée.

« Beurk. »

« Voilà. Depuis des mois, tu tiens ce poison dans ta patte. Il pue. Il est gluant. Mais tu le tiens quand même. Parce que tu crois que si tu le lâches, le lynx a gagné. »

« Oui ! Exactement ! »

« Mais regarde : pendant que tu tiens ce poison, tu ne peux rien faire d’autre. Tu ne peux pas nager, grimper, jouer. Tes pattes sont occupées. »

La genette regarda l’algue dans sa patte. Elle comprenait.

« Alors… je dois juste… lâcher ? »

« Oui. Crache le poison. Lâche l’algue. Libère tes pattes. »

La genette hésita. Puis, d’un coup, elle jeta l’algue dans l’océan.

« HAAAAAAAA ! »

Elle cria. Elle cria fort. Elle cria toute sa colère vers les vagues.

Et puis elle se tut.

Et puis elle respira.

Et puis elle sourit. Un tout petit sourire.

« Mes pattes sont libres. »

« Oui, » dit Ondée en sautant de joie. « Tes pattes sont libres ! Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? »

« Je vais… je vais grimper ! Je vais grimper tout en haut du pin le plus haut ! Je vais manger des fruits ! Je vais dormir au soleil ! Je vais vivre ! »

Et c’est ce qu’elle fit.

Ondée et Ronce la regardèrent partir en courant vers la forêt, légère, légère, légère.

« On a aidé, » dit Ronce.

« Oui. On lui a montré que la colère, c’est comme du poison qu’on boit en espérant que l’autre va mourir. »

« Et que le seul qui souffre, c’est soi. »

« Et que cracher le poison, c’est se libérer. »

Dans les Landes, il y a maintenant une genette qui a appris à lâcher le poison de la colère. Et deux amis qui savent qu’on peut se libérer sans oublier, pardonner sans excuser.


Sixième Voyage : Quand Ondée a voulu tout porter

L’hiver revenait. Un an avait passé depuis le premier voyage d’Ondée.

Elle avait grandi. Elle était plus grande, plus forte. Et elle avait appris tellement de choses.

Mais un jour, quelque chose arriva.

Une tempête. Une énorme tempête venue de l’océan. Le vent hurlait : HOUUUUUUU ! Les arbres pliaient. Les vagues montaient jusqu’aux dunes.

Tous les animaux couraient vers les abris.

La famille d’Ondée courait vers leur terrier au bord du ruisseau. Maman Loutre, Papa Loutre, Grand Frère Courant, et Ondée.

Soudain, une énorme branche tomba devant Maman Loutre.

CRAC !

Ondée ne réfléchit pas. Elle bondit. Elle se jeta devant sa mère.

« ATTENTION ! »

La branche ne toucha pas Maman. Elle toucha Ondée.

PAF !

« ONDÉE ! » cria Maman.

Ondée était par terre. La branche l’avait frappée à l’épaule. Ça faisait très mal.

« Je vais bien, » dit-elle en se relevant. « Je vais bien. »

Mais elle ne allait pas bien. Son épaule était blessée. Elle boitait.

Ils arrivèrent au terrier. La tempête faisait rage dehors. Tout le monde était en sécurité.

Sauf qu’Ondée avait mal. Très mal.

Maman la soigna. Papa lui apporta de l’eau. Courant resta près d’elle.

« Pourquoi tu as fait ça ? » demanda Courant.

« Pour protéger Maman. »

« Mais… tu aurais pu te faire très mal. »

« C’est pas grave. L’important c’est que Maman aille bien. »

Maman Loutre prit Ondée dans ses pattes.

« Mon bébé courageux. Tu m’as protégée. Mais tu sais quoi ? Tu n’es pas responsable de me protéger. »

« Mais… »

« Écoute-moi bien. Tu es une enfant loutre. Moi je suis la maman. C’est moi qui te protège. Pas l’inverse. »

« Mais je suis grande maintenant ! »

Papa Loutre s’approcha.

« Ondée, tu es grande, c’est vrai. Tu es courageuse. Tu es intelligente. Tu poses de bonnes questions. Mais tu n’as pas à porter tous les problèmes de la famille. »

Ondée baissa la tête. Des larmes coulaient sur ses moustaches.

« Mais… mais j’ai vu la branche… et j’ai eu peur que Maman… »

« Je sais. C’était très courageux. Mais maintenant tu es blessée. Et c’est lourd à porter, non ? »

Ondée hocha la tête. Oui. C’était lourd.

Le lendemain, la tempête était finie. Le soleil brillait. Ondée sortit du terrier en boitant.

Ronce était là.

« Qu’est-ce qui t’est arrivé ? »

Ondée lui raconta.

Ronce écouta. Puis il dit :

« Tu sais, Ondée, je comprends. Moi aussi j’ai voulu protéger ma mère quand j’étais petit. Mais j’ai appris quelque chose. »

« Quoi ? »

« Que les enfants ne doivent pas porter les problèmes des adultes. Les adultes sont grands. Ils savent se protéger. Toi, tu es une enfant. Tu as le droit d’être une enfant. »

« Mais je peux quand même aider ! »

« Oui. Mais il y a des règles. »

« Quelles règles ? »

Ronce s’assit.

« Règle Un : J’aide quand je peux VRAIMENT aider. Te jeter devant une branche, c’était dangereux. Appeler ta mère pour la prévenir, ça aurait été mieux. »

« D’accord. »

« Règle Deux : Je demande de l’aide aux adultes. Tu n’es pas seule. »

« D’accord. »

« Règle Trois : Je ne porte pas tout seul les problèmes des grands. »

« Mais… »

« Ondée, » Ronce la regarda dans les yeux. « Tu es une petite loutre merveilleuse. Tu as appris tellement de choses cette année. Mais tu as aussi le droit de jouer, de rire, d’être heureuse. Tu n’as pas à porter le poids du monde. »

Ondée se tut. Elle pensait.

« Tu sais ce qui est drôle ? » dit-elle enfin.

« Quoi ? »

« Pendant toute cette année, j’ai appris aux autres qu’ils n’avaient pas à porter certains fardeaux. La genette et son poison. Panique et ses peurs. Mais moi… moi je voulais tout porter. »

« Exactement. »

« C’est contradictoire. »

« Oui. »

Ondée rit. Un petit rire fatigué.

« Je crois que j’ai besoin d’apprendre ma propre leçon. »

« Oui. »

Ce jour-là, Ondée décida quelque chose d’important. Elle pouvait être courageuse. Elle pouvait aider. Elle pouvait protéger.

MAIS elle restait une petite loutre. Elle avait le droit de jouer. De rire. D’être légère.

Les deux en même temps.

Elle alla voir sa mère.

« Maman, je suis désolée de m’être jetée devant la branche. »

« Pourquoi tu t’excuses ? »

« Parce que… parce que je me suis fait mal. Et ça te rend triste. Et ça ajoute un problème au lieu d’enlever un problème. »

Maman Loutre la serra fort.

« Tu comprends vite, mon bébé. Oui. La prochaine fois, préviens-moi. Ne te jette pas dans le danger. »

« D’accord. Mais je peux quand même t’aider pour d’autres choses ? Des choses pas dangereuses ? »

« Bien sûr. Tu peux m’aider à pêcher. À ranger le terrier. À jouer avec Courant. Ce sont des bonnes façons d’aider. »

Ondée sourit.

« Et je peux continuer à poser des questions ? »

« Toujours. »

Cette nuit-là, Ondée dormit profondément. Son épaule faisait encore un peu mal. Mais son cœur était léger.

Elle avait compris quelque chose de très important : on peut être protecteur ET rester un enfant. On peut être courageux ET demander de l’aide. On peut être fort ET avoir besoin des autres.

Dans les Landes, il y a maintenant une jeune loutre qui a fait six voyages. Elle a appris à distinguer méchant et maléfique. Elle a compris que la lumière est pour tous. Elle sait que celui qui a peur partout devient effrayant. Elle a découvert qu’on peut comprendre sans accepter. Elle a craché le poison de la colère. Et elle a appris qu’elle peut protéger sans tout porter.

Elle est plus grande qu’avant. Mais elle est aussi plus légère.

Et c’est ça, grandir vraiment.


Pour toi, Adam

Ondée a fait six voyages. Toi aussi, tu fais des voyages dans ta vie.

Comme Ondée, tu poses de bonnes questions.
Comme Ronce, tu peux choisir de ne pas faire comme ceux qui t’ont blessé.
Comme la genette, tu peux cracher le poison et te libérer.
Comme Panique, tu peux apprendre à voir le beau au lieu de seulement voir les dangers.

Tu es courageux. Tu es intelligent. Tu protèges ceux que tu aimes.

Mais souviens-toi : tu es aussi un enfant. Tu as le droit de jouer, de rire, d’être léger. Tu n’as pas à porter tous les problèmes des adultes.

Les problèmes des adultes, ce sont leurs problèmes.
Toi, tu restes tranquille dans ta famille qui te protège.

Continue à poser des questions. Continue à chercher la lumière. Continue à être toi.

Le monde a besoin de personnes comme toi.

Dans les Landes, Ondée te salue. Et tous les animaux de la forêt aussi.

Sixième Voyage : Quand Ondée a voulu tout porter

L’hiver revenait. Un an avait passé depuis le premier voyage d’Ondée.

Elle avait grandi. Elle était plus grande, plus forte. Et elle avait appris tellement de choses.

Mais un jour, quelque chose arriva.

Une tempête. Une énorme tempête venue de l’océan. Le vent hurlait : HOUUUUUUU ! Les arbres pliaient. Les vagues montaient jusqu’aux dunes.

Tous les animaux couraient vers les abris.

La famille d’Ondée courait vers leur terrier au bord du ruisseau. Maman Loutre, Papa Loutre, Grand Frère Courant, et Ondée.

Soudain, une énorme branche tomba devant Maman Loutre.

CRAC !

Ondée ne réfléchit pas. Elle bondit. Elle se jeta devant sa mère.

« ATTENTION ! »

La branche ne toucha pas Maman. Elle toucha Ondée.

PAF !

« ONDÉE ! » cria Maman.

Ondée était par terre. La branche l’avait frappée à l’épaule. Ça faisait très mal.

« Je vais bien, » dit-elle en se relevant. « Je vais bien. »

Mais elle ne allait pas bien. Son épaule était blessée. Elle boitait.

Ils arrivèrent au terrier. La tempête faisait rage dehors. Tout le monde était en sécurité.

Sauf qu’Ondée avait mal. Très mal.

Maman la soigna. Papa lui apporta de l’eau. Courant resta près d’elle.

« Pourquoi tu as fait ça ? » demanda Courant.

« Pour protéger Maman. »

« Mais… tu aurais pu te faire très mal. »

« C’est pas grave. L’important c’est que Maman aille bien. »

Maman Loutre prit Ondée dans ses pattes.

« Mon bébé courageux. Tu m’as protégée. Mais tu sais quoi ? Tu n’es pas responsable de me protéger. »

« Mais… »

« Écoute-moi bien. Tu es une enfant loutre. Moi je suis la maman. C’est moi qui te protège. Pas l’inverse. »

« Mais je suis grande maintenant ! »

Papa Loutre s’approcha.

« Ondée, tu es grande, c’est vrai. Tu es courageuse. Tu es intelligente. Tu poses de bonnes questions. Mais tu n’as pas à porter tous les problèmes de la famille. »

Ondée baissa la tête. Des larmes coulaient sur ses moustaches.

« Mais… mais j’ai vu la branche… et j’ai eu peur que Maman… »

« Je sais. C’était très courageux. Mais maintenant tu es blessée. Et c’est lourd à porter, non ? »

Ondée hocha la tête. Oui. C’était lourd.

Le lendemain, la tempête était finie. Le soleil brillait. Ondée sortit du terrier en boitant.

Ronce était là.

« Qu’est-ce qui t’est arrivé ? »

Ondée lui raconta.

Ronce écouta. Puis il dit :

« Tu sais, Ondée, je comprends. Moi aussi j’ai voulu protéger ma mère quand j’étais petit. Mais j’ai appris quelque chose. »

« Quoi ? »

« Que les enfants ne doivent pas porter les problèmes des adultes. Les adultes sont grands. Ils savent se protéger. Toi, tu es une enfant. Tu as le droit d’être une enfant. »

« Mais je peux quand même aider ! »

« Oui. Mais il y a des règles. »

« Quelles règles ? »

Ronce s’assit.

« Règle Un : J’aide quand je peux VRAIMENT aider. Te jeter devant une branche, c’était dangereux. Appeler ta mère pour la prévenir, ça aurait été mieux. »

« D’accord. »

« Règle Deux : Je demande de l’aide aux adultes. Tu n’es pas seule. »

« D’accord. »

« Règle Trois : Je ne porte pas tout seul les problèmes des grands. »

« Mais… »

« Ondée, » Ronce la regarda dans les yeux. « Tu es une petite loutre merveilleuse. Tu as appris tellement de choses cette année. Mais tu as aussi le droit de jouer, de rire, d’être heureuse. Tu n’as pas à porter le poids du monde. »

Ondée se tut. Elle pensait.

« Tu sais ce qui est drôle ? » dit-elle enfin.

« Quoi ? »

« Pendant toute cette année, j’ai appris aux autres qu’ils n’avaient pas à porter certains fardeaux. La genette et son poison. Panique et ses peurs. Mais moi… moi je voulais tout porter. »

« Exactement. »

« C’est contradictoire. »

« Oui. »

Ondée rit. Un petit rire fatigué.

« Je crois que j’ai besoin d’apprendre ma propre leçon. »

« Oui. »

Ce jour-là, Ondée décida quelque chose d’important. Elle pouvait être courageuse. Elle pouvait aider. Elle pouvait protéger.

MAIS elle restait une petite loutre. Elle avait le droit de jouer. De rire. D’être légère.

Les deux en même temps.

Elle alla voir sa mère.

« Maman, je suis désolée de m’être jetée devant la branche. »

« Pourquoi tu t’excuses ? »

« Parce que… parce que je me suis fait mal. Et ça te rend triste. Et ça ajoute un problème au lieu d’enlever un problème. »

Maman Loutre la serra fort.

« Tu comprends vite, mon bébé. Oui. La prochaine fois, préviens-moi. Ne te jette pas dans le danger. »

« D’accord. Mais je peux quand même t’aider pour d’autres choses ? Des choses pas dangereuses ? »

« Bien sûr. Tu peux m’aider à pêcher. À ranger le terrier. À jouer avec Courant. Ce sont des bonnes façons d’aider. »

Ondée sourit.

« Et je peux continuer à poser des questions ? »

« Toujours. »

Cette nuit-là, Ondée dormit profondément. Son épaule faisait encore un peu mal. Mais son cœur était léger.

Elle avait compris quelque chose de très important : on peut être protecteur ET rester un enfant. On peut être courageux ET demander de l’aide. On peut être fort ET avoir besoin des autres.

Dans les Landes, il y a maintenant une jeune loutre qui a fait six voyages. Elle a appris à distinguer méchant et maléfique. Elle a compris que la lumière est pour tous. Elle sait que celui qui a peur partout devient effrayant. Elle a découvert qu’on peut comprendre sans accepter. Elle a craché le poison de la colère. Et elle a appris qu’elle peut protéger sans tout porter.

Elle est plus grande qu’avant. Mais elle est aussi plus légère.

Et c’est ça, grandir vraiment.

foret des landes

Pour toi, Adam

Ondée a fait six voyages. Toi aussi, tu fais des voyages dans ta vie.

Comme Ondée, tu poses de bonnes questions.
Comme Ronce, tu peux choisir de ne pas faire comme ceux qui t’ont blessé.
Comme la genette, tu peux cracher le poison et te libérer.
Comme Panique, tu peux apprendre à voir le beau au lieu de seulement voir les dangers.

Tu es courageux. Tu es intelligent. Tu protèges ceux que tu aimes.

Mais souviens-toi : tu es aussi un enfant. Tu as le droit de jouer, de rire, d’être léger. Tu n’as pas à porter tous les problèmes des adultes.

Les problèmes des adultes, ce sont leurs problèmes.
Toi, tu restes tranquille dans ta famille qui te protège.

Continue à poser des questions. Continue à chercher la lumière. Continue à être toi.

Le monde a besoin de personnes comme toi.

Dans les Landes, Ondée te salue. Et tous les animaux de la forêt aussi.


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